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| Articles 2006

Articles 2006

  • Les restructurations bancaires européennes : bilan et perspectives
    Olivier PASTRÉ
    Conseil Scientifique de l'AMF, Février 2006
  • Keynes et le patriotisme économique à géométrie variable
    Olivier PASTRÉ
    Economie Politique, Nº 31, Juillet 2006, pages 71 à 74
  • Euronext ou les déboires de l’Europe
    Olivier PASTRÉ
    Alternatives Economiques, Juillet 2006, pages 90 à 92
  • Les banques : des modes de gouvernance pas tout à fait comme les autres
    Olivier PASTRÉ
    MA Frison Roche (ed.) « Les banques entre droit et économie », LGDJ, pages 305 à 312
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2006 - Les profits bancaires : quelques vérités oubliées



Les profits bancaires : quelques vérités oubliées


Olivier Pastré

Professeur à l’Université

de Paris VIII




« Où allez-vous en vacances ? ». « Au mois de Juillet ». « Quand partez-vous ? ». « En Bretagne ». Ce célèbre dialogue à la Tati symbolise assez bien la nature des relations entre les banques et la société française. Plein de mauvaises réponses à de bonnes questions. Pour essayer de restaurer un dialogue difficile – au plan institutionnel, car si les Français n’aiment pas « les » banques, ils aiment bien « leur » banque comme en témoignent toutes les enquêtes – il convient de revenir aux fondamentaux.

 

Il faut commencer par rappeler, comme l’a fait un rapport récemment remis à Thierry Breton[1] que l’industrie bancaire est le premier employeur privé de France, qu’elle crée depuis quelques années (et pour une dizaine d’années encore) environ 40 000 emplois par an, plutôt pour des jeunes, plutôt pour des Bac +4 (30 % des embauches) et plutôt pour des femmes. Preuve, s’il en était besoin, que la création de valeur est en France, sous certaines conditions, créatrice d’emploi. Par ailleurs, il faut rappeler que la banque finance l’économie. Nous ne sommes pas aux Etats-Unis, pays dans lequel ce financement est majoritairement assuré par les marchés financiers. En France, la banque reste le principal « poumon » financier de la croissance. Et, comme chacun sait, mieux vaut avoir des poumons sains.

 

Voilà donc pour les fondamentaux. Reste maintenant à porter un jugement objectif sur cette industrie un peu particulière. Commençons par dire que cette industrie est soumise à un double « tsunami » dans le cadre de la mondialisation. Un « tsunami » réglementaire d’abord. IAS 32, IAS 39, Bâle II, SEPA : sous ces sigles technocratiques se dissimulent de nouvelles normes comptables, prudentielles et techniques qui vont complètement bouleverser, à horizon très proche, les conditions d’exercice du métier des banques. Pour faire face à ces défis, les banques doivent aujourd’hui investir massivement et il faut donc leur en donner les moyens. Mais le « tsunami » potentiellement le plus dévastateur est d’ordre concurrentiel. Se constitue, en effet, à l’échelle mondiale, un petit oligopole de « global players » qui sont parfaitement capables, avec quelques mois de bénéfices, en faisant jouer un effet de levier minimal, de racheter la Société Générale et BNP Paribas, sans parler des autres banques privées européennes. Elles sont quatre aujourd’hui (Citigroup, Bankamerica, J.P Morgan et HSBC) qui ont une capitalisation boursière voisine ou supérieure à 150 milliards de $, alors que notre plus forte capitalisation (BNP Paribas) représente a peine la moitié de celle-ci. Et là n’est pas encore le plus grave, car ce qu’il faut bien voir c’est que ces banques sont beaucoup plus profitables que les banques françaises. Les « super profits » des banques françaises qu’il faudrait, selon certains « ponctionner » sont, dans la réalité, très inférieurs aux bénéfices des banques espagnoles, anglaises et, bien sûr, américaines. Et donc, dans la bagarre mondiale qui a éclaté, les banques françaises sont plus fragiles que leurs principaux concurrents.

 

Il n’en reste pas moins vrai que les banques françaises, après les affres de la décennie 80 (rappelons-nous du Crédit Lyonnais), ont restauré leur rentabilité, au prix d’une modernisation accélérée. Cette modernisation s’est-elle opérée au détriment du consommateur ? Non. Là aussi, il faut dénoncer certaines contrevérités véhiculées par certains médias. Quelque soit l’indicateur utilisé, les tarifs des banques françaises sont dans la moyenne européenne. Les banques françaises ne sont pas plus chères que leurs concurrents. Et, par ailleurs, elles ont, depuis deux ans au moins, fait des efforts, souvent sous la pression des Pouvoirs Publics, pour améliorer leur accessibilité (« package » à destination des interdits de chéquiers, simplification de la procédure du droit au compte,…).

 

Cela ne veut pas dire pour autant qu’il n’y a pas encore de progrès à faire pour réconcilier les Français avec « les » banques. Mais pour cela il faut cesser d’égrener les contrevérités. Il faut que les banques françaises soient profitables. D’abord pour lutter à armes égales avec leurs principaux concurrents étrangers. Ensuite, bien sûr, pour avoir les moyens d’être plus citoyennes. Il y a, en effet, encore trop d’exclus bancaire  en France. Exclus de moyens de paiement mais, aussi et surtout, exclus de crédits (ou surendettés, ce qui, in fine, revient au même). Il faut que les banques françaises apportent, mieux qu’elles ne le font aujourd’hui, des solutions bancaires à ceux qui rencontrent ce que l’on appelle pudiquement des « accidents de la vie » (chômage, maladie, divorce). Il faut qu’elles financent plus et mieux la création d’entreprise et l’innovation (surtout si celle-ci est « immatérielle »). La route est donc encore longue. Et les progrès à accomplir sont immenses. Mais pour que les banques françaises soient à l’avenir plus citoyennes encore faut-il qu’elles soient profitables.

 

Changeons donc de registre critique en matière bancaire : soyons un peu moins démagogue et un peu plus pédagogue.

 

 



[1] « Les défis de l’industrie bancaire », Documentation Française, 2006.


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2006 - Les hedge-funds ont-ils dépassé la « hedge » ?


Les hedge-funds ont-ils dépassé la « hedge »[*] ?


Olivier Pastré

Professeur à l’Université

de Paris VIII




 

Les hedge-funds n’ont pas fini de faire parler d’eux. En première ligne sur les dossiers Arcelor, Suez et Euronext, ces fonds, par leur activisme, bousculent la gouvernance de certains de nos « champions nationaux » et remettent ainsi en question le concept même de « patriotisme économique ». Par ailleurs, la quasi-faillite du fonds Amaranth (perte de 60% du capital et licenciement de 60% des effectifs) « interpelle au niveau du vécu » (pour reprendre une expression psychanalytique) ces nouveaux « gendarmes » de la finance mondiale.

Sur ce sujet, comme sur tout autre, il faut raison garder. Ni trop d’honneur, ni trop d’indignité. Le rôle de ces fonds est plutôt positif au niveau macroéconomique et plutôt négatif au niveau microéconomique.

Au niveau macroéconomique, les hedge-funds sont critiquables d’un double point de vue. D’abord, ils ont pour effet d’accroître la volatilité des marchés. Alors qu’ils avaient été créés, à la fin des années 1940, pour permettre une meilleure couverture des risques, ils se sont progressivement transformés, grâce au pouvoir donné par l’effet de levier, en amplificateurs des rythmes boursiers. Par ailleurs, ces fonds souffrent, dans bien de cas, d’une opacité qui justifie certaines mises en garde, voire l’établissement de certains « garde-fous ».

Il n’en reste pas moins vrai que ces fonds, qui, avec leurs 1 300 milliards de dollars, représentent près de la moitié des échanges en bourse, offrent à la Finance ce dont elle a le plus besoin, à savoir la liquidité. Les hedge-funds, en alimentant les marchés en transactions, permettent à ceux-ci de « respirer », ce qui bénéficie à l’ensemble des intervenants. Ce faisant, les hedge-funds assurent une fonction de quasi-service public.

Ce qui est vrai au niveau macroéconomique, ne l’est pas nécessairement au niveau microéconomique. Les hedge-funds sont, par nature, fragiles. Les épargnants leur demandent un rendement supérieur à la moyenne. Ce rendement ne peut être obtenu que par la prise de risques. La faillite de LTCM a failli provoquer une crise systémique en 1998. Il serait urgent de ne pas considérer que le risque a disparu des marchés et des bilans bancaires[†]. Mais ce qui est plus grave c’est que les risques que prennent les hedge-funds sont transférés sur leurs clients sans que ceux-ci en aient toujours clairement la conscience. Cet effet de « dissémination » jouant aussi à plein avec les dérivés de crédit, il convient d’être extrêmement vigilant.

Mais le principal défaut des hedge-funds tient à leur « activisme ». Certains auteurs considèrent que ces fonds, en investissant dans des entreprises mal gérées, assument une fonction « disciplinaire ». C’est probablement vrai dans certains cas. Mais l’objectif de ces fonds étant la rentabilité maximale à court terme, on peut considérer que, dans bien des cas, leur intervention a un effet déstabilisateur. Cela a été clairement démontré dans le cas d’Arcelor. Espérons que cela ne le soit pas dans les cas de Suez et d’Euronext. L’indépendance énergétique de la France et le devenir des Bourses européennes dictés par des actionnaires strictement financiers, cela ne peut, en aucun cas, constituer un optimum.

Que faire face à ces risques ? C’est très simple. D’abord, mieux connaître les hedge-funds en les « incitant » à plus de transparence (en terme de reporting comme en terme d’information de leur clientèle). Ensuite en recomposant le capital de nos « champions nationaux » pour les insensibiliser par rapport à l’activisme « short-termist ». Ah, patriotisme économique, quand tu nous tiens…

 



[*] hedge = limite

[†] O. Pastré, « Les défis de l’industrie bancaire », rapport au Ministre de l’Economie, Documentation Française, 2006.

 


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