26 septembre 2018 | La régulation bancaire : le verre à moitié plein
Mercredi 26 septembre 2018
La régulation bancaire : le verre à moitié plein
Par Olivier Pastré
Nous venons de fêter le dixième anniversaire de la faillite de Lehman Brothers, véritable point de départ, dans la foulée de la crise des « subprimes », de la crise bancaire et économique globale dans laquelle nous sommes toujours englués. Qu’ont fait les régulateurs pendant ce temps ? Ils se sont beaucoup agités. Si l’on prend un peu de recul, ils se sont battus sur cinq fronts au moins :
1. La recherche d’une meilleure connaissance des opérations financières et des risques : en sont témoins la limitation de l’opacité des paradis fiscaux, l’enregistrement des « hedge funds », la création de chambres de compensation pour certains marchés dérivés, l’imposition de « stress tests » et de testaments bancaires, la mise en œuvre de la MIF, …
2. La limitation des risques pris par les banques : en sont témoins l’interdiction de certaines activités de « prop trading », la réduction de l’effet de levier, la normalisation des opérations de titrisation,…
3. Le renforcement des mécanismes de protection : en sont témoins la consolidation et l’harmonisation des mécanismes de garanties de dépôts pour les clients, l’élévation du niveau des fonds propres requis pour les banques,…
4. La redéfinition de certaines normes en matière comptable et prudentielle mais aussi en matière de rémunération des opérateurs de marché.
5. L’amélioration de l’efficacité des autorités de supervision : Union Bancaire Européenne mais aussi contrôle plus étroit des agences de notation.
Tous ces chantiers ont été ouverts. Certains ont avancé plus que d’autres. Ainsi en est-il par exemple de la lutte contre les paradis fiscaux, qui est loin d’être terminée mais qui a franchi des étapes décisives au cours des cinq dernières années. Ainsi en est il aussi des exigences en matière de fonds pour les plus grandes banques, les désormais célèbres SIFIs. D’autres chantiers, au contraire, semblent marquer le pas. Ainsi en est-il par exemple de l’encadrement réglementaire de certains marchés dérivés de même que de la normalisation des opérations de titrisation. Mais, au global, on peut considérer que le verre est largement à moitié plein.
Pour l’avenir, il existe une double priorité et deux défis à relever. Au rang des priorités figure la nécessité d’éviter que trop de réglementations tue la réglementation, soit par contournement de celles-ci (les banques et les compagnies d’assurance savent très bien le faire…), soit par étouffement de certaines activités parmi les plus nécessaires (le financement des PME notamment, que les nouvelles normes prudentielles dites de « Bâle III » pénalisent clairement alors même que ce sont ces entreprises qui sont les principaux vecteurs de la création d’emploi). L’autre priorité, dont le respect de la première dépend, est celle du renforcement de la supervision. Il faut passer, comme dans beaucoup d’autres domaines en économie, d’une approche « top down » (la réglementation) à une approche « bottom up » (la supervision). C’est au niveau microéconomique qu’ont été commises les principales « bêtises » ayant conduit à la crise (Countrywide, Lehman,…). C’est donc au niveau microéconomique qu’il faut agir pour déceler à temps les dysfonctionnements porteurs de nouveaux déréglements. Ceci nécessite, entre autres, des moyens dont certaines autorités de supervision bancaire (et assurantielle) ne disposent toujours pas aujourd’hui.
Reste aussi deux nouveaux défis à relever pour éviter d’avoir à nouveau à faire de la finance notre « ennemi » (pour paraphraser François Hollande)... Le premier est celui du « shadow banking » (c’est-à-dire les activités bancaires développées par des non-banques, donc non soumises à la réglementation bancaire) qui, aujourd’hui encore, regroupe, faute d’examen plus approfondi, des « choux » et des « carottes », c’est-à-dire des activités de natures (et de profils de risque) très différentes - des inoffensives Sicav monétaires aux inquiétants « bitcoins » - mais dont la croissance très (trop ?) rapide constitue un véritable défi pour la régulation. Le deuxième défi est celui de la concurrence réglementaire. Il existe bel et bien une guerre fiscale mondiale dont les stratégies des GAFAs sont une claire manifestation dans le domaine des Technologies de l’Information. Une guerre des monnaies pointe aussi le bout de son nez. Pitié Mr Trump : à ces deux conflits ne rajoutons pas une guerre réglementaire dans le domaine financier qui ferait pour principale victime la croissance de l’économie mondiale…